Crédit photo : Vincent Éthier – Eye of the Tiger
SHAWINIGAN – Il était minuit et deux quand on est arrivé à l’hôtel Énergie. C’était déjà le jour d’après. Une grosse van s’est stationnée derrière la Audi. Les Anglais sont descendus de voiture juste comme on arrivait à leur hauteur.
Personne ne souriait. En fait, ils avaient des faces d’enterrement. On les a salués poliment, avec le respect dû à un homme qui a pris une pioche au foie, le coup le plus douloureux de la boxe.
On a jasé en marchant vers l’entrée de l’hôtel.
-Mauvaise journée au bureau. Très mauvaise, a juste dit Lee Beard, le coach de Mark Heffron.
-Un coup au foie, ça ne pardonne pas.
-Pas juste un coup, deux coups. Ce qui lui a cassé les jambes, c’est le crochet du gauche au corps précédent. Mark a réussi à tenir debout et est revenu dans l’autre coin et s’est retrouvé dans les câbles. Mais il était déjà presque paralysé. Le deuxième coup l’a achevé, a expliqué Beard.
– On s’attendait à un combat explosif…mais là…
-Votre gars frappe dur. Mais Mark n’a jamais eu la chance de montrer quoique ce soit… Ça arrive… Mais «it’s sucks» quand ça arrive…
Je me suis gardé une petite gêne. Je ne leur ai pas dit que je me sentais niaiseux d’avoir craint la puissance de la droite de Heffron et d’avoir cru les fanfaronnades du coach. Rendu à minuit et cinq, tu pousses pas ta luck trop fort. Pis, le pauvre Herron se tenait le flanc droit en marchant devant…
Heureusement, le lendemain matin, un membre de l’équipe de Marc Ramsay est venu se faire des toasts au four du Pacini. Oui, ça existe encore, sauf que c’est 7,50 $ pour deux toasts. Pis, passer dix minutes à les faire rôtir, ça donne la chance de jaser.
Donc, c’était le plan de ne pas niaiser avec le puck : « Marc craignait la puissance de Heffron comme la peste. La consigne était claire; attaquer, imposer son rythme et ne jamais laisser une chance à Heffron de décocher la grosse droite », m’a-t-on expliquer pendant que ça commençait à sentir la toast brûlée.
Mais 40 secondes, sérieux, personne ne l’avait prévu. Un plan pour qu’un complotiste découvre que le promoteur et Top Rank avaient payé Heffron et son coach pour se coucher pour ne pas nuire au gala du 17 août à Québec ! Et tant qu’à se coucher, aussi bien le faire le plus vite possible. C’est plus efficace que d’acheter un juge…
Vous trouvez ça complètement con ? Vous avez tout à fait raison.
Crédit photo : Vincent Éthier – Eye of the Tiger
FERNANDEZ-GAUMONT : « J’AI GAGNÉ CE COMBAT »
On est entré dans l’hôtel après les Anglais. Minuit et dix. Déjà dans le jour d’après. On passe devant la réception, un grand gars est assis tout fin seul dans une chaise. Un œil au beurre noir spectaculaire. La solitude du boxeur sans équipe pour l’appuyer. C’est aussi la boxe…
Tu repars demain pour l’Argentine ?
-Oui…
-T’as livré un bon combat… La décision aurait pu aller de ton côté…
-Non, j’ai gagné ce combat. Je sais qu’à l’étranger les décisions partagées favorisent le local mais j’avais gagné. Je le sais.
Que pouvais-je dire ? Je trouvais aussi qu’il n’avait pas perdu. J’avais un score nul mais le feeling global était qu’il avait dominé le combat. À minuit et quart, faut se sentir généreux.
-Dans le fond, t’aurais dû gagner…
J’ai eu l’impression que son œil au beurre noir lui a fait moins mal pendant quelques secondes. Il a juste précisé :
-J’ai gagné ce combat !
Donc hier matin, assis avec Michel Hamelin et Lady Ju, on voit se pointer Santiago Fernandez. L’œil n’est pas beau mais Lady lui a déjà refilé une demi-douzaine de Tylenol pour le voyage. Il s’arrête :
« Sur les réseaux sociaux, tout le monde dit que j’ai gagné. C’est des pages et des pages…
On l’a rassuré. Même en français, c’est le consensus des fans.
Mais alors, les juges se sont-ils si trompés ? Je ne sais pas. Samedi après-midi, je jasais justement avec un des juges de la soirée. Juger un round de boxe est terriblement subjectif. Et complexe. Qui a donné le plus de coups ? Mais qui a donné le plus de coups déterminants ? Autrement dit, est-ce qu’un lourd crochet vaut plus que quatre jabs ? Et qui occupe le meilleur territoire dans le ring ? Qui et l’agresseur ? Qui esquive, qui bloque le mieux les coups ? Et quand un boxeur est de dos et qu’il lance une droite, comment je fais pour juger si la droite a été esquivée ou bloquée ?
Et un gros coup dans le premier quinze secondes du round a-t-il plus de valeur que le gros coup dans les dernières secondes comme le faisait Jean Pascal, le roi des voleurs de rounds ?
Après toutes ces questions, ne vous demandez pas pourquoi certains scores vous semblent tirés par les cheveux. Parce que rien ne dit que vos feelings sont ceux du juge…
Crédit photo : Vincent Éthier – Eye of the Tiger
WILKENS MATHIEU…Y EST-TU BEAU !
Ce fut donc une soirée magnifique. Jhon Orobio n’a pas été capable de mettre son Argentin knock-out. Mais c’est parce qu’à l’autopsie de son corps après sa mort, va falloir demander où Camejo camouflait son enclume dans sa tête. C’est incroyable ce qu’il a encaissé. Et heureusement, il avait l’air de bonne humeur quand il a quitté le Centre Auto-Gervais.
Orobio, lui, est allé rencontrer les gagnants d’un concours à Radio X et on l’a trouvé bien mignon. C’est quand même Wilkens Mathieu qui a volé le show. Il est grand, élégant et surdoué.
En plus, il est bien élevé. Le clou de la soirée.
Le reste a été à l’avenant. Moreno Fendero, le grand frère d’Orobio, a été convainquant. Il a de la graine de champion. Christopher Guerrero a été spectaculaire et Mehmet Unal a boxé un petit peu trop ouvert à mon goût. Mais il a dominé largement son combat.
Reste Arslanbek Makhmudov. La fracture de sa main est bien guérie. Question style, ça demeure le même Makhmudov. Pourquoi être raffiné quand on peut juste écraser ?
Va falloir attendre le prochain combat pour savoir si Marc Ramsay a droit à Makhmudov 2.0…
Mais Shawinigan sait faire…