Crédit photo : Julie Bertrand
QUÉBEC – Je jasais avec Gabriel Béland, le surdoué de La Presse, et on parlait métier. Et pourquoi c’était si fascinant de couvrir la boxe.
La réponse n’est jamais simple. Dans la vie, seules les simplicités sont simples.
Mais globalement, on s’entendait sur un point. Pour un journaliste, la proximité avec les boxeurs, leurs coachs et leurs promoteurs, permet de plonger dans leur cœur, dans leur tête et j’oserais presque dire leur âme.
Je sortais d’une rencontre avec Osley Iglesias, de son coach et de son gérant. Iglesias est Cubain, son coach est un Allemand de Berlin Est, il ne parle ni anglais ni français. Mais on finit par se comprendre…
De quoi rêver. Vous avez vingt ans ? Ou vous avez un fils de vingt ans ? Imaginez…
Le grand gars a 19 ans, il est en Allemagne pour un tournoi amateur avec l’équipe nationale de Cuba.
Et un soir, il appelle par Facetime sa maman à Cuba : « Mama, je ne rentre pas à la maison. Peut-être que je ne reverrai plus jamais. Tu ne pourras pas sortir du pays… Te quiero… Je t’aime mama »…
Ça fait cinq ou six ans et Osley, le terrible animal qui va donner un championnat du monde à Eye of The Tiger dans la prochaine année, (il est déjà champion de la IBO), n’a jamais revu sa mère. Mais il l’appelle à tous les soirs avec Facetime. Il lui raconte sa vie d’amoureux d’une jolie Allemande qui parlait espagnol.
Des fois, il lui parle de Montréal. Et hier, il lui a parlé de Québec qu’il trouve bien belle.
C’est ce grand jeune homme qui a passé le knock-out à son adversaire au casino en janvier dernier et que ce dernier est tombé en convulsions dramatiques et inquiétantes.
La boxe est un sport, la boxe n’est pas un jeu.
Christian Mbilli et ses parents avec Steve Gros-Louis dans la Maison longue à Wendake.
CHRISTIAN MBILLI À WENDAKE
La boxe est émouvante. L’été dernier, je me suis retrouvé à Wendake avec Christian Mbilli, sa mère et son père. Maman Mbilli, Marie-Thérèse, est Camerounaise. À 15 ans, elle est devenue mère. Elle s’est battue jusqu’à 20 ans pour survivre dans la misère des métropoles africaines comme Yaoudé, la capitale du Cameroun.
Elle a rencontré un Français, l’homme de sa vie et l’a suivi en France. Christian, tout petit est resté avec les tantes et les oncles à Yaoundé et a fini par aller retrouver sa mère quand il a eu douze ans.
Imaginez…juste essayez d’imaginer.
L’été dernier, on s’est retrouvé tout le monde à Wendake invités par Steve Gros-Louis. Et à Wendake, il y a la Maison longue. L’immense maison d’un autre siècle ou les autochtones se réfugiaient dans les froids terribles de l’époque.
Petite fille, à Yaoundé, Marie-Thérèse a connu le même style de maison. J’en ai vu des semblables à Mana ou à Ouagadougou au Burkina Faso.
Maman Mbilli était étreinte par les émotions quand elle s’est retrouvée dans la Maison longue et que Steve Gros-Louis a entonné un chant guerrier en l’honneur de son fils.
Plus tard, dans une entrevue, des larmes montaient à ses yeux quand elle racontait comment mille images de son enfance en Afrique lui étaient remontées à la mémoire.
J’étais là devant elle et j’écoutais…
C’est pour ça que la boxe reste le sport le plus fascinant à couvrir pour un journaliste qui ne veut pas se limiter à faire l’étalage de statistiques. On plonge dans l’âme. Et rien n’est plus troublant que l’âme…
Aujourd’hui, c’est la conférence de presse. Vendredi la pesée. On va retomber dans les histoires et les déclarations classiques.
Ça aussi, ça fait partie du métier.
